FOCUS – Sur le modèle des premiers secours, le concept de «last aid» vient d’être adapté en France. En quelques heures, il donne des clés sur l’accompagnement des mourants. Nous avons assisté à une de ces réunions.
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Last Aid, né en 2015, existe déjà dans une vingtaine de pays. Le concept vient d’être adapté en France. Son créateur, le Dr Georg Bollig, médecin en soins palliatifs, est également un urgentiste rompu aux premiers secours. Ce pont entre les gestes qui sauvent et l’accompagnement des mourants était déjà au cœur de la réflexion du père fondateur du secourisme, Henry Dunant. Lors de la bataille napoléonienne de Solférino, ce dernier s’était penché tout autant sur les blessés que sur les mourants. «C’était le cœur déchiré et ulcéré qu’ils rendaient le dernier soupir, sans que personne s’en émût ou y prît garde», avait relaté le fondateur de la Croix-Rouge dans son livre plaidoyer Un souvenir de Solférino.
En France, les premiers cours «derniers secours» viennent de débuter cet automne sous la houlette de la SFAP (Société française d’accompagnement en soins palliatifs), détentrice de la licence Last Aid. Nous avons assisté à l’une de ces formations à Paris, dans une annexe de l’hôpital des Diaconesses. Assis en demi-cercle, dix-huit participants sont venus en apprendre un peu plus sur les gestes et les mots utiles en fin de vie. Que se passe-t-il lorsqu’une personne meurt? Comment les mourants peuvent-ils être accompagnés aujourd’hui? Comment la médecine atténue les éventuelles souffrances? Pendant quelques heures, une bénévole chevronnée d’accompagnement en soins palliatifs, Catherine Renard, et le docteur Georges Czapiuk, médecin en hospitalisation à domicile (HAD), expliquent comment aborder cet ultime moment de l’existence.
D’emblée, le ton est donné: «La mort nous concerne tous et va concerner de plus en plus de monde dans ces prochaines années», souligne le médecin en évoquant l’avancée en âge des nombreux baby-boomers. Pauline, une jeune femme aux cheveux noirs et au teint de porcelaine, raconte avoir accompagné son grand-père dans ses derniers instants, sans autre clé que son «intuition». Brigitte, auxiliaire de puériculture, estime que l’accompagnement à la naissance n’est «pas toujours génial» mais que c’est encore pire «quand les gens s’en vont». Jean-Jacques, qui a perdu son père il y a quinze jours, pensait faire la formation avant ce décès. Il a malgré tout fait le voyage depuis la Normandie. Danièle, une jeune retraitée, est venue car elle se pose «beaucoup de questions sur la mort». Hélène, elle, est devenue l’aidante de ses parents vieillissants. «Ma maman va mourir et comme la mort est taboue, je ne sais pas comment faire», confie-t-elle avec un trop-plein d’émotions.
Quatre aspects de la fin de vie abordés
La taille du groupe est réduite pour faciliter les échanges. «Ce n’est pas une thérapie de groupe, mais les expériences de chacun font la richesse de la formation, note Catherine Renard. Aujourd’hui, la plupart des gens meurent à l’hôpital et dans des institutions, entourés par des professionnels du monde médical. Le savoir ancestral de l’accompagnement des mourants s’est peu à peu perdu.»
Au cours de cette formation de quatre à six heures, quatre aspects de la fin de vie seront abordés: les dimensions de la mort (physique, sociale, existentielle ou spirituelle…), l’anticipation, apaiser la souffrance et dire adieu. Les participants sont sollicités et interviennent à tout moment. «Ma maman, dois-je lui dire ce qu’elle a? Comment répondre à ses questions?», s’interroge Hélène. «Mon père demandait toujours: quel est le programme aujourd’hui? C’était un ancien chef d’entreprise et il détestait ne pas être dans l’action. Son programme, en fin de vie, c’était les soins à domicile. Il avait du mal à le supporter», confie Jean-Jacques. «Le mien disait toujours: “Quand est-ce que je vais aller mieux?” , rebondit une participante. Il était frustré de sa diminution, de perdre son autonomie jour après jour. J’étais démunie. Qu’est-ce qu’on doit leur expliquer?».
«Sur la situation médicale, est-ce qu’il faut dire la vérité ou pas?, résume Marie, une chanteuse-auteur interprète qui intervient à l’hôpital. Parfois on a l’impression qu’elle a envie d’entendre la vérité et parfois non. Cela peut changer d’une minute à l’autre. Si on est trop positif, cela peut énerver et être trop négatif, cela ne sert à rien non plus.»
«La réponse, c’est la personne qui l’a. Vous pouvez demander: “Qu’est-ce que tu en penses?” ou “est ce que tu veux qu’on revoie le docteur pour poser des questions?”», propose Catherine Renard. «Face à l’angoisse de mort, il peut y avoir des moments de colère ou d’incompréhension. Vous êtes un proche, le fils, la fille, un ami… pas le médecin. C’est à lui d’expliquer la situation au patient. Il faut tenter de conserver sa place, son rôle», conseille Georges Czapiuk. Alors que les proches ont parfois du mal à se repérer dans la jungle des prises en charge médicales, le médecin donne des pistes sur l’organisation de ces dernières.
La priorité est de soulager les souffrances
Georges Czapiuk, médecin
À plusieurs reprises, le médecin insiste: «Il ne faut pas oublier que c’est d’abord le corps qui souffre. La priorité est de soulager les souffrances.» Mais les proches peuvent eux aussi intervenir. Le duo de formateurs explique les gestes concrets que l’on peut effectuer: soins de bouche à l’aide d’un bâtonnet en mousse et d’eau gélifiée pour lutter contre la sensation très désagréable de sécheresse, respect des souhaits alimentaires de la personne en fin de vie… ou de son absence d’appétit. Sur les mots qui aident, les formateurs ne proposent aucune formule toute faite.«Il n’y a pas de recette idéale. Il faut être attentif aux petites perches que nous tendent les personnes en fin de vie. Ce qui est important, c’est la présence. Être là, tout simplement, sans être pesant», souligne Catherine Renard. Les derniers secours visent aussi à raviver cet élan d’entraide dans un moment qui fait peur. «Souvent, les gens disent qu’ils n’osent pas déranger quelqu’un qui affronte une fin de vie, dit la bénévole. En parlant de la question de la mort sans tabou, la formation doit aider à franchir le pas.»
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